DROITS DE SUCCESSION

Les projets de réforme

 

« L’analyse combinée des récents rapports économiques et des programmes des candidats à l’élection présidentielle porte un éclairage nouveau sur les enjeux d’une réforme des droits de succession. »

Christelle LAMY

Présidente Doma Enchères

« Je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu’il faut augmenter les droits de succession à tout-va, au contraire », affirmait Emmanuel Macron dans un entretien accordé au Parisien le 4 janvier 2022 [1].

« Au-delà de 12 millions je prends tout ! » annonçait Jean-Luc Mélenchon cinq jours plus tard, dans Le Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI.

La réforme des droits de succession s’est imposée comme un sujet particulièrement clivant de la campagne électorale en cours.

Quels sont les enjeux politiques et économiques d’une réforme des droits de succession ?

Nous proposons une synthèse des trois rapports économiques publiés en 2021, ainsi qu’un comparatif des programmes des candidats à l’élection présidentielle.

 

Synthèse des rapports économiques publiés en 2021 :

L’urgence d’un alourdissement des droits de succession

 

Trois rapports publiés en 2021 évaluent la pertinence des droits de succession :

  • Rapport de l’OCDE, « impôt sur les successions dans les pays de l’OCDE», publié le 11 mai 2021[2],
  • Rapport de la Commission Tirole-Blanchard, « Les Grands défis économiques», remis au Président de la République le 23 juin 2021[3],
  • Note du Conseil d’analyse économique, « Repenser l’héritage», publié le 21 décembre 2021[4].

Nous proposons ici de mettre en lumière leurs éléments de convergence :

  • le retour de l’héritage comme facteur d’inégalités,
  • la pertinence économique des droits de succession en termes d’équité et d’efficacité
  • et les bénéfices d’un régime de taxation du flux successoral perçu tout au long de la vie.

Un constat unanime : le retour de l’héritage comme facteur d’inégalités

 

Le poids de l’héritage a régulièrement diminué au cours de la seconde moitié du XXème siècle, avant de retrouver les niveaux observés au début du siècle. Cette dynamique est commune à la majorité des pays industrialisés.

En France, le patrimoine hérité représente désormais 60% du patrimoine privé, contre 35% au début des années 1970[5].

Or cet héritage est inégalement réparti : les ménages les plus aisés reçoivent des héritages d’une valeur moyenne supérieure à ceux des ménages les plus pauvres. Cette donnée s’ajoute à une concentration croissante des richesses depuis les années 1980.

En raison de l’allongement de l’espérance de vie, la concentration des richesses parmi les ménages les plus âgés devrait augmenter, ainsi que l’âge auquel les individus héritent généralement[6]. En France, l’âge moyen des héritiers est aujourd’hui d’environ 50 ans, contre 30 au début du XXème siècle[7].

Les inégalités intragénérationnelles et intergénérationnelles, d’ores et déjà croissantes, risquent donc de se renforcer sous l’effet de l’héritage.

Or les inégalités induites par l’héritage peuvent engendrer des tensions sociales et mettre en péril le fonctionnement démocratique de nos sociétés.

Les droits de succession permettent-ils de pallier ces dangers ? Quels sont leurs effets positifs et négatifs ?

La pertinence économique des droits de succession : équité et efficacité

Nous nous contentons ici d’aborder les principaux effets économiques des droits de succession. Nous vous renvoyons aux rapports, essentiellement celui de l’OCDE, pour de plus amples précisions.

Les droits de succession permettent-ils de renforcer l’égalité des chances ?

Le poids de l’héritage dans le patrimoine privé peut créer un « fossé de chance », en octroyant à certains un avantage, sans lien avec leurs efforts personnels[8].

A contrario, les rapports s’accordent pour considérer que les droits de succession, en diluant la concentration des richesses, contribuent à instaurer davantage d’équité, et ce faisant d’améliorer l’égalité des chances.

Les droits de succession ont-ils un impact négatif sur les comportements d’épargne ? 

Deux comportements peuvent être induits par les droits de succession. D’une part, les droits de succession peuvent entraîner une baisse de l’épargne, si les donateurs anticipent que leur patrimoine ne sera pas intégralement transmis à leurs héritiers (effet de substitution). D’autre part, les droits de succession peuvent entraîner une hausse de l’épargne si les donateurs sont déterminés à transmettre un certain niveau de patrimoine (effet de revenu).

Les travaux manquent sur ce point. Néanmoins, les études existantes suggèrent que les droits de succession ont un impact limité sur les comportements d’épargne des donateurs[9], bien inférieur à celui des impôts récurrents sur le patrimoine[10].

Les droits de succession favorisent-ils l’optimisation fiscale ? 

Diverses études montrent que les dispositifs fiscaux avantageux, favorisent les pratiques d’optimisation fiscale et réduisent la progressivité de l’impôt sur les successions[11]. En effet, une étude récente souligne que ces dispositifs engendrent une réduction du taux effectif d’imposition beaucoup plus importante pour les grosses transmissions que pour les petites[12].

Le Conseil d’Analyse Economique a d’ailleurs montré que l’incidence des droits de succession est en réalité la plus forte sur les classes moyennes supérieures[13].

Les trois rapports plaident pourtant en faveur d’une réforme des droits de succession, plutôt qu’à leur suppression pour cause d’évasion fiscale. 

Les droits de succession encouragent-ils l’émigration des plus fortunés ? 

Dans un contexte de concurrence fiscale entre les Etats, l’imposition des successions pourrait encourager certains ménages à changer de résidence fiscale. Une abondante littérature fait état d’une faible mobilité induite par la fiscalité[14], exception faite des plus hauts patrimoines[15].

Les auteurs soulèvent néanmoins que le surcroît de recettes généré par l’impôt sur les successions dépasse largement le manque à gagner en impôt sur le revenu des plus fortunés[16].

Il n’en demeure pas moins que les rapports portent une attention particulière à cette question, et plaident en faveur de mesures propres à limiter le risque de migration : conditions de citoyenneté, de résidence à long terme, imposition à la sortie…

Quel impact sur le travail et l’épargne des héritiers ?

La littérature montre que les bénéficiaires d’un héritage important sont davantage susceptibles de quitter le marché du travail, de réduire leur temps de travail[17], et de décider d’un départ anticipé à la retraite[18]. Cela se traduit par une baisse du revenu du travail[19]. Les droits de succession permettent ainsi de dégager des recettes fiscales directes, mais entraînent également un surplus de recettes fiscales via l’impôt sur les revenus du travail[20].

Certaines études suggèrent que la réception d’un héritage augmente la consommation[21] et diminue l’épargne[22]. Ces résultats doivent toutefois être interprétés avec prudence.

Il semble néanmoins que les droits de successions incitent les héritiers à travailler et à épargner davantage.

Quel est leur impact sur l’entreprenariat ? 

Des études empiriques montrent que les droits de succession réduisent les probabilités que les héritiers créent une entreprise[23]. En effet, l’héritage sert souvent de capital de départ. Il a été montré que plus l’héritage est important, plus le capital initial est important[24].

Les droits de succession tendraient donc à diminuer le nombre de créations d’entreprises.

Afin d’alimenter la réflexion de nos lecteurs, nous nous permettons d’ajouter les créateurs d’entreprise sont majoritairement âgés de 35 à 40 ans[25]. Or nous l’avons souligné précédemment, l’âge moyen des héritiers est d’environ 50 ans.

Les droits de succession entravent-ils la transmission d’entreprise ?

La taxation des transmissions d’entreprises familiales peut avoir un effet négatif sur les entreprises elles-mêmes : vente, assèchement de la trésorerie, baisse des investissements et ralentissement de la croissance du chiffre d’affaire[26].

En France, le pacte Dutreil exonère la transmission des biens professionnels via un abattement de 75 %, à condition que les héritiers conservent leurs titres individuellement pendant 4 ans.

Néanmoins, diminuer les droits de succession sur les biens professionnels présente un revers : il est désormais établi que les entreprises dirigées par des héritiers sont moins performantes[27].

Il semble donc que les droits de succession soient justifiés par des considérations d’équité et d’efficacité. Néanmoins, trois points de vigilance sont à relever : l’émigration et l’optimisation fiscale qu’ils peuvent induire, leur impact sur les créations d’entreprises et les difficultés qu’ils peuvent causer dans le cadre de cessions d’entreprises.

Prenant soin d’éviter ces écueils, les trois rapports proposent une même solution : taxer le flux successoral perçu tout au long de la vie.

 

Une réforme unanimement plébiscitée : taxer le flux successoral perçu tout au long de la vie

Les trois rapports susvisés proposent une même solution : taxer le flux successoral perçu par les héritiers tout au long de leur vie, sans distinction entre donation et succession, ou entre ligne directe et ligne indirecte.

Le rapport de l’OCDE affirme :

« Une approche particulièrement équitable et efficace consisterait à imposer les bénéficiaires sur les donations et les héritages qu’ils reçoivent tout au long de leur vie, sous la forme d’un impôt sur les transmissions de patrimoine à l’échelle d’une vie ».

La note du Conseil d’Analyse économique confirme :

« Nous proposons de repenser la politique de l’héritage, en la refondant autour de […] la mise en place d’une politique du flux successoral total perçu par les individus tout au long de la vie ».

La Commission Tirole-Blanchard reprend :

« Au lieu d’imposer les transmissions à chaque décès, le nouveau système imposerait la totalité des transmissions (donations, héritages, toutes sources confondues) dont l’héritier a bénéficié, de sorte que ceux qui reçoivent davantage soient imposés à des taux plus élevés ».

Nous nous intéresserons essentiellement aux conséquences d’une telle disposition en contexte français. Nous renvoyons au rapport de l’OCDE pour une analyse plus générale.

Premier avantage : renforcer l’équité par une progressivité effective

La fiscalité française se caractérise par une progressivité fictive. En effet, si le taux maximal d’imposition des successions est de 45%, les héritiers les mieux dotés, qui auront reçu environ 13 millions d’euros au cours de leur vie, paient à peine 10% de droits de succession sur l’ensemble de ce patrimoine hérité[28].

Cela s’explique d’abord par le fait que la France propose des exonérations et exemptions fiscales particulièrement nombreuses, généreuses, et focalisées sur les actifs détenus par les individus les plus aisés[29]. Le pacte Dutreil est un cas particulièrement représentatif si l’on se souvient que les 1% des ménages les mieux dotés détiennent en moyenne 28% de patrimoine professionnel, contre approximativement 0% pour les 10% des ménages les moins dotés. Le patrimoine professionnel est d’ailleurs la composante la plus inégalitairement répartie[30].

Cela s’explique également par le fait que chaque transmission est taxée séparément. Cela permet de bénéficier plusieurs fois de certains abattements. Or la note du CAE relève que « les plus riches héritiers touchent de multiples transmissions patrimoniales au cours de leur vie (plusieurs donations et successions, de plusieurs parents, etc.), dont la valeur est fortement corrélée »[31].

Une taxation sur l’ensemble des flux successoraux perçu tout au long de la vie permettrait de pallier ces distorsions. Un tel impôt pourrait être prélevé au-delà d’un seuil d’exonération fixé à l’échelle d’une vie, et selon un barème progressif. Ainsi chaque héritier sera redevable à proportion de sa capacité contributive, et les héritiers faiblement dotés continueront d’être exonérés.

La Commission Tirole Blanchard n’envisage d’ailleurs pas d’alternative efficace : « Il convient de noter qu’une telle progressivité est difficile à atteindre si le système continue d’être à courte vue tel que décrit plus haut. Tout accroissement des abattements (pour les donations et les successions) ne peut que profiter fortement aux gros patrimoines »[32].

Second avantage : s’adapter aux nouvelles structures familiales

Les transmissions aux descendants directs et les transmissions aux parents éloignés, ou à des héritiers hors famille, font l’objet d’un traitement fiscal très différencié. Ainsi les enfants du défunt bénéficient d’un abattement de 100 000 euros, lorsqu’un parent éloigné bénéficie d’un abattement de seulement 1 594 euros.

Ces écarts de traitement fiscal sont contestables. Le cas d’un bénéficiaire ayant peu hérité de ses parents est significatif. En outre, ces écarts encouragent les donateurs à concentrer leurs transmissions entre les mains de leurs proches parents, renforçant encore davantage la concentration des richesses[33].

Cette question se pose avec d’autant plus d’acuité que les familles recomposées se font plus nombreuses. Les enfants du conjoint doivent-ils nécessairement subir un traitement fiscal distinct ?

La note du Conseil d’analyse économique relève que la taxation du flux successoral tout au long de la vie présente l’avantage de traiter indistinctement les héritages reçus en ligne directe et en ligne indirecte, sans porter atteinte aux dispositions du Code civil et du droit des contrats [34].

Points de vigilance : exonérations et abattements

Les trois rapports plaident pour une réduction drastique des exonérations et allègements fiscaux pour lesquels il n’existe pas de justification tangible.

Notant l’absence de justification économique forte, le Conseil d’Analyse Economique s’engage pour une réintroduction de l’assurance-vie au régime général, une réforme des démembrements de propriété et des plus-values latentes[35].

En revanche, certains allègements pourraient être maintenus, tels l’abattement sur la résidence principale[36] . Nous l’avons vu précédemment, imposer des droits de succession sur les actifs professionnels comporte également des risques. Le Conseil d’Analyse Economique envisage une réforme du pacte Dutreil en diminuant le taux d’abattement et en renforçant les dispositifs d’étalement des paiements[37].

Une telle réforme nécessiterait de nouvelles études, permettant de définir des seuils d’exonération, des barèmes progressifs, des abattements lorsque ceux-ci sont justifiés économiquement etc.

L’Irlande prélève d’ores et déjà un impôt sur les successions et donations reçues tout au long de la vie, après abattement de 335 000 euros pour les transmissions entre parent et enfant. Son taux est de 33%. Il n’y a pas encore, à notre connaissance, d’évaluation sur les effets de cette réforme.

Les candidats à l’élection présidentielle suivent-ils ou non ces recommandations 

 

Analyse comparative des programmes électoraux

 

Les droits de succession s’imposent comme un sujet particulièrement clivant entre la gauche et la droite. Certains candidats suivent les recommandations des rapports, en les précisant ou en les adaptant. A l’autre bout du spectre, certains candidats se prononcent en faveur d’un allègement des droits de succession en augmentant les abattements. Nous avons également isolé les propositions relatives aux actifs immobiliers, et celles relatives aux actifs professionnels.

Les propositions reprenant les préconisations des rapports

Yannick Jadot propose que l’impôt sur les successions soit payé en fonction de ce que chacun perçoit tout au long de sa vie, quel que soit son lien de parenté avec les donateurs, et à partir d’un seuil de 200 000 euros. Il souhaite une réforme du barème progressif[38].

Jean-Luc Mélenchon propose également une taxation sur l’ensemble du flux successoral perçu tout au long de la vie au-delà de 120 000 euros par parent, en réduisant la distinction entre ligne directe et ligne indirecte : il propose la « possibilité d’une « adoption sociale », un contrat de solidarité entre deux personnes qui créera de nouveaux devoirs (d’assistance mutuelle) et de nouveaux droits (taxation réduite de la transmission d’héritage comme si la personne concernée était un parent ou un enfant) ». Il ne semble pas remettre en cause le barème actuel, sauf au-delà de 12 millions d’euros, avec un taux d’imposition qui serait de 100%[39].

Anne Hidalgo écrivait à l’Institut Montaigne vouloir « calculer les droits sur la base de la somme des flux successoraux perçus par les individus tout au long de la vie tout en proposant un nouveau barème de taxation » :

  • 30% jusqu’à 800 000 euros
  • 45% de 800 000 euros à 1 600 000 euros
  • 60% au-delà de 1 600 000 euros[40]

Elle déclarait sur France 2 : « Il n’y aura pas de droits de succession en dessous de 300 000 € »[41].

A notre connaissance, ces propositions ne sont pas contenues dans le programme électoral du Parti Socialiste, qui évoque seulement : « Nous faciliterons la transmission en abaissant la fiscalité des successions pour 95 % des Français. Pour financer ces mesures, nous augmenterons les impôts des successions pour les très hauts patrimoines (cela impactera ceux supérieurs à 2 M €), ce qui créera 8 Mds € de ressources nouvelles par an »[42].

Ces déclarations ayant été faites séparément les unes des autres, il nous est difficile de comprendre précisément la réforme proposée. Nous prenons l’initiative de considérer qu’Anne Hidalgo propose de taxer le flux successoral perçu tout au long de la vie à partir de 300 000 euros, selon un barème progressif allant de 30% à 60%, une tranche supplémentaire étant prévue pour les héritiers percevant plus de 2 millions d’euros. Nous attirons votre attention sur le fait que cette interprétation doit être prise avec précaution.

Les propositions en faveur d’un renforcement des abattements

Certains candidats proposent de conserver le régime actuel, mais d’en alléger le poids, par le renforcement des abattements en fonction du degré de parenté avec le défunt (voir annexe 2).

Actuellement, l’exonération en ligne directe est de 100 000 euros, de 15 932 euros pour les frères et sœurs, et de  1 594 euros pour les petits-enfants.

Emmanuel Macron propose un abattement de 150 00 euros par enfant, et de 100 000 euros en « ligne indirecte » pour tous les autres membres de la famille (petits-enfants, neveux, nièces, etc.)[43].  Il propose d’étendre le régime des héritiers en ligne directe aux enfants des conjoints[44].

Valérie Pécresse propose de doubler l’abattement actuel et en le portant à 200 000€ pour chaque enfant concernant les successions en ligne directe. Pour les successions en ligne indirecte, l’abattement serait élevé à 100 000€[45].

Eric Zemmour propose de mettre en place une « franchise de 200 000 euros par enfant au décès de leurs parents »[46].

Propositions relatives aux actifs professionnels

Deux candidats proposent de conserver le régime actuel :

  • Valérie Pécresse propose « sanctuariser » le pacte Dutreil[47].
  • Pour LREM, Laurent Saint-Martin exclut tout « geste sur les niches fiscales actuelles du système (exonération de l’assurance-vie, pacte Dutreil, etc.) » .

Deux candidats proposent de renforcer le régime actuel :

  • Nicolas Dupont-Aignan souhaite renforcer le pacte Dutreil en passant d’un abattement de 75% à un abattement de 90%[48].
  • Eric Zemmour souhaite supprimer les droits de succession pour la transmission des entreprises familiales.

 Certains candidats proposent de réformer ou supprimer le régime actuel :

  • Yannick Jadot plaide en faveur de la suppression des principales niches fiscales, en particulier le pacte Dutreil[49].
  • Fabien Roussel propose une suppression des « niches fiscales qui favorisent outrageusement les plus riches. En particulier tous les dispositifs visant à échapper à la taxation de la transmission du capital des entreprises seront abrogés »[50]
  • Anne Hidalgo écrivait à l’Institut Montaigne vouloir « réduire les niches fiscales peu fondées économiquement »[51]. La sémantique rappelle celle de la note du Conseil d’analyse économique et pourrait concerner le pacte Dutreil.
  • Marine Le Pen souhaite mettre à jour les conditions d’application du pacte Dutreil et prévoit que les héritiers ne paieront plus d’impôts s’ils s’engagent à garder pendant au moins 10 ans l’entreprise[52].
  • Jean-Luc Mélenchon envisage de réformer le pacte Dutreil. Il déclarait aux Echos : « Sur la transmission des entreprises à proprement parler, nous maintiendrons pour le moment le Pacte Dutreil. Une évolution du dispositif est par ailleurs souhaitable pour adapter les conditions de durée, actuellement trop courtes et permettant l’évitement fiscal, fixer des seuils et favoriser la reprise par les salariés sous forme de coopérative »[53].

Propositions portant sur les actifs immobiliers

Actuellement, le principal dispositif porte sur la résidence principale. Lors du calcul de l’actif net successoral, la valeur de la résidence principale du défunt est diminuée de 20% si elle est occupée par le conjoint survivant, le partenaire lié par un PACS, ou par un ou plusieurs enfants mineurs, handicapés ou majeurs protégés du défunt, de son conjoint ou de son partenaire[54].

Nous l’avons vu dans la première partie de notre développement : un allègement fiscal sur la résidence principale fait consensus. Trois candidats prennent position sur ce point.

Nicolas Dupont-Aignan propose « zéro droits de succession sur la résidence principale »[55].

Jean-Luc Mélenchon se prononce en faveur d’un abattement sur la résidence principale qui ne serait plus de 20% de la valeur du bien, mais de 120 000 euros pour toute personne qui hérite d’un bien immobilier étant déjà sa résidence principale depuis plus d’un an. Par rapport au régime actuel, cette proposition bénéficie aux résidences principales d’une valeur inférieure à 600 000 euros, et alourdit l’actif net successoral lorsque la valeur de la résidence principale dépasse 600 000 euros.

Marine Le Pen propose de « sortir de l’assiette de calcul, les biens immobiliers à hauteur de 300 000 euros ». En d’autres termes, un abattement de 300 000 euros pour les biens immobiliers. A notre connaissance, il n’est pas fait de distinction entre la résidence principale et les autres biens immobiliers. Par rapport au régime actuel, cette proposition bénéficie aux résidences principales d’une valeur inférieure à 1 500 000, et alourdit l’actif successoral lorsque la valeur de la résidence principale dépasse 1 500 000.

Section 6. Autres propositions

Fabien Roussel, sans parler de taxation sur l’actif successoral perçu tout au long de la vie, propose de doubler le nombre de tranches en fonction de « la valeur des biens transmis et la capacité contributive (les ressources) des donataires et héritier·e·s assujetti·e·s au paiement des droits de succession ». Une franchise de 170 000 euros sera instituée[56].

Philippe Poutou envisage un montant maximal d’héritage et un montant fixe d’exonération qui couvrirait plus de 75% de la population[57].

Nathalie Arthaud déclarait au journal Les Echos : « On ne changera pas les choses en réformant le régime des droits de succession. C’est l’expropriation des plus grands groupes industriels et financiers qu’il nous faudra mettre à l’ordre du jour des mouvements sociaux auxquels j’appelle »[58].

A notre connaissance, Jean Lassalle n’a pas pris position sur ces différents sujets.

 

[1] Vincent Vérier et Aurélie LebelleDroits de succession : le sujet clivant de ce début de campagne, Le Parisien, 5 janvier 2022, https://www.leparisien.fr/economie/votre-argent/droits-de-succession-le-sujet-clivant-de-ce-debut-de-campagne-05-01-2022-ZG5QMDUQ65GV3GGNYZ25QFDFFQ.php

[2] OCDE (2021), Impôt sur les successions dans les pays de l’OCDE, Études de politique fiscale de l’OCDE, n° 28, Éditions OCDE, Paris, https://doi.org/10.1787/33d40568-fr

[3] Commission Tirole-Blanchard (2021), Les Grands défis économiques, https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2021-rapport-les_grands_defis_economiques-juin_0.pdf

[4] Conseil d’analyse économique (2021), Clément Dherbécourt – Gabrielle Fack – Camille Landais – Stefanie Stantcheva, Repenser l’héritage, note n°69, https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-note069s.pdf

[5] Note du Conseil d’analyse économique, p.2

[6] Rapport de l’OCDE §1.4

[7] Note du Conseil d’analyse, p.2

[8] Alstott, A. (2007), “Equal Opportunity and Inheritance Taxation”, Yale Law School, Public Law Working Paper No. 117. Cité par le rapport de l’OCDE §2.2.1

[9] Goupille-Lebret J. et J. Infante (2018) : « Behavioral Responses to Inheritance Tax: Evidence from Notches in France », Journal of Public Economics, n° 168. Cité par la note du CAE p.4

[10] Advani, A. and H. Tarrant (2020), Behavioural responses to a wealth tax, Wealth Tax Commission, Evidence Paper 5. Cité par le rapport de l’OCDE §2.3.1

[11] Note du CAE, p.6

[12] Dherbécourt, C. (2017), “Peut-on éviter une société d’héritiers ? Estimation haute Estimation basse”, La note d’analyse, No. 51, France Stratégie, Paris. Cité par le rapport de l’OCDE §2.3.2

[13] Note du CAE p.5 à 7

[14] Kleven, H. et al. (2020), “Taxation and migration: Evidence and policy implications”, Journal of Economic Perspectives, Vol. 34/2, pp. 119-142, http://dx.doi.org/10.1257/JEP.34.2.119. Cité par la note du CAE p.4.

[15] Moretti, E. and D. Wilson (2020), Taxing Billionaires: Estate Taxes and the Geographical Location of the Ultra-Wealthy, National Bureau of Economic Research, Cambridge, MA, https://doi.org/10.3386/w26387. Cité par le rapport de l’OCDE §2.3.3

[16] Ibid.

[17] Holtz-Eakin, D., D. Joulfaian and H. Rosen (1993), The Carnegie Conjecture: Some Empirical Evidence. Cité par le rapport de l’OCDE §2.3.5

[18] Brown, J., C. Coile and S. Weisbenner (2010), “The effect of inheritance receipt on retirement”, Review of Economics and Statistics, Vol. 92/2, pp. 425-434, https://doi.org/10.1162/rest.2010.11182. Cité par le rapport de l’OCDE §2.3.5

[19] Elinder, M., O. Erixson and H. Ohlsson (2012), “The Impact of Inheritances on Heirs’ Labor and Capital Income”, The B.E. Journal of Economic Analysis & Policy, Vol. 12/1, pp. 1-37, https://EconPapers.repec.org/RePEc:bpj:bejeap:v:12:y:2012:i:1:p:1-37:n:61. Cité par le rapport de l’OCDE §2.3.5

[20] Kindermann, F., L. Mayr and D. Sachs (2020), “Inheritance taxation and wealth effects on the labor supply of heirs”, Journal of Public Economics, p. 104127, https://doi.org/10.1016/j.jpubeco.2019.104127. Cité par le rapport de l’OCDE : «Kindermann, Mayr et Sachs (2020[84]) montrent que l’impôt sur les successions produit une externalité budgétaire positive. Ils calculent que pour chaque euro de recettes généré directement par l’impôt sur les successions, l’État engrange 9 centimes d’euro supplémentaires via l’impôt sur les revenus du travail (en valeur actualisée nette) du fait de l’augmentation de l’offre de travail ».

[21] Joulfaian, D. and M. Wilhelm (1994), “Inheritance and labor supply”, Journal of Human Resources, Vol. 29/4, pp. 1205-1234, https://doi.org/10.2307/146138. Cité par le rapport de l’OCDE §2.3.5

[22] Rapport de l’OCDE §2.3.5

[23] Burman, L., R. Mcclelland and C. Lu (2018), The Effects of Estate and Inheritance Taxes on Entrepreneurship, Tax Policy Center. Cité par le rapport de l’OCDE §2.3.6

[24] Holtz-Eakin, D., D. Joulfaian and H. Rosen (1994), Entrepreneurial Decisions and Liquidity Constraints. Cité par le rapport de l’OCDE §2.3.6

[25] Insee, enquête SINE pour l’année 2018. https://www.insee.fr/fr/statistiques/2015206

[26] Tsoutsoura, M. (2015), “The Effect of Succession Taxes on Family Firm Investment: Evidence from a Natural Experiment”, Journal of Finance, Vol. 70/2, pp. 649-688, https://doi.org/10.1111/jofi.12224. Rapport de l’OCDE §2.3.6

[27]  Bennedsen, M. et al. (2007), “Inside the family firm: The role of families in succession decisions and performance”, Quarterly Journal of Economics, Vol. 122/2, pp. 647-691, https://doi.org/10.1162/qjec.122.2.647. Voir également Bloom, N. and J. Van Reenen (2007), “Measuring and Explaining Management Practices Across Firms and Countries” The Quarterly Journal of Economics, Volume 122, Issue 4, November, Pages 1351–1408, https://doi.org/10.1162/qjec.2007.122.4.1351. Cités par le rapport de l’OCDE §2.3.6

[28] Note du CAE, p.3

[29] Ibid.

[30] Revenus et patrimoine des ménages, Insee référence, édition 2021 p.33

[31] Note du CAE, p.8

[32] Rapport de la Commission Tirole-Blanchard p.275

[33] Voir la note de l’OCDE, 4.2.2

[34] Note du CAE, p.8

[35] Note du CAE, p.9

[36] Rapport de l’OCDE, 4.2.3

[37] Note du CAE, p.9

[38] Programme électoral, https://www.jadot2022.fr/une_economie_au_service_du_climat_et_des_citoyens

[39] Programme électoral, https://melenchon2022.fr/plans/justice-fiscale/

[40] Institut Montaigne, « POUVOIR D’ACHAT, Exonérer les droits de succession jusqu’à 300 000€, Anne Hidalgo », https://www.institutmontaigne.org/presidentielle-2022/anne-hidalgo/exonerer-les-droits-de-succession-jusqua-300-000-e/. L’Institut Montaigne a retenu dans ses calculs un abattement de 300 000 euros en ligne directe.

[41] https://twitter.com/Anne_Hidalgo/status/1486088623892189195

[42] Programme électoral, p.41, https://assets.nationbuilder.com/2022avechidalgo/pages/208/attachments/original/1645795527/Anne_Hidalgo_Programme_officiel_en_A4_l%C3%A9ger.pdf?1645795527

[43] Programme électoral, p.13, https://avecvous.fr/wp-content/uploads/2022/03/Emmanuel-Macron-Avec-Vous-24-pages.pdf

[44] Le Parisien, « Présidentielle : Emmanuel Macron promet de réduire les droits de succession », 17 mars 2022, https://www.leparisien.fr/elections/presidentielle/presidentielle-emmanuel-macron-promet-de-reduire-les-droits-de-succession-17-03-2022-M65HJ7ELUFBFNNXAT6GCT4JLVU.php

[45] Programme électoral, https://valeriepecresse.fr/projet/famille/

[46] Programme électoral, p.46, https://assets.nationbuilder.com/themes/61c071ce4764e8b1483d1a8c/attachments/original/1648220408/programme_eric_zemmour_presidentielle_2022.pdf?1648220408

[47] Programme électoral, https://valeriepecresse.fr/projet/famille/

[48] Programme électoral, décision n°29, https://2022nda.fr/wp-content/uploads/2022/01/100-Decisions-pour-la-France_VFIN.pdf

[49] Programme électoral, https://www.jadot2022.fr/une_economie_au_service_du_climat_et_des_citoyens

[50] Programme électoral, proposition, n°128, https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/fabienroussel2022/pages/217/attachments/original/1643038967/exe_la_france_des_jours_heureux_LIVRE_stc.pdf?1643038967

[51] Institut Montaigne, « POUVOIR D’ACHAT, Exonérer les droits de succession jusqu’à 300 000€, Anne Hidalgo », auteur et date inconnus, https://www.institutmontaigne.org/presidentielle-2022/anne-hidalgo/exonerer-les-droits-de-succession-jusqua-300-000-e/.

[52] Programme électoral, p.23, https://mlafrance.fr/pdfs/manifeste-m-la-france-programme-presidentiel.pdf

[53] Les Echos, « Présidentielle 2022 : le programme fiscal de Jean-Luc Mélenchon », 13 février 2022, https://www.lesechos.fr/patrimoine/impots/presidentielle-2022-le-programme-fiscal-de-jean-luc-melenchon-1389095

[54] Article 764 bis du CGI

[55] Programme électoral, décision n°20, https://2022nda.fr/wp-content/uploads/2022/01/100-Decisions-pour-la-France_VFIN.pdf

[56] Programme électoral, proposition, n°128, https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/fabienroussel2022/pages/217/attachments/original/1643038967/exe_la_france_des_jours_heureux_LIVRE_stc.pdf?1643038967

[57] Les Echos, «Présidentielle 2022 : le programme fiscal de Philippe Poutou (NPA) », 2 mars 2022, https://www.lesechos.fr/patrimoine/impots/presidentielle-2022-le-programme-fiscal-de-philippe-poutou-npa-1390767

[58] Les Echos, « Présidentielle 2022 : le programme fiscal de Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière) », 4 mars 2022, https://www.lesechos.fr/patrimoine/impots/presidentielle-2022-le-programme-fiscal-de-nathalie-arthaud-lutte-ouvriere-1391384