Mark Rothko

Le plus européen des peintres américains

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Adjugées 87 millions de dollars, 83 millions de dollars, 73 millions de dollars… Les toiles de Mark Rothko enflamment les enchères. C’est à New-York que les ventes ont lieu. C’est également dans les musées américains que se trouve l’essentiel de ses œuvres. Rien de plus normal : Rothko a réalisé toute sa carrière de peintre outre-Atlantique. Cependant, c’est en Europe que sa vie et son œuvre trouvent leurs racines.

Enfance en Lettonie

Marcus Rothkowitz naît en 1903 à Dvinsk, dans l’actuelle Lettonie. Il est le benjamin d’une famille juive lettrée. Dès l’âge de 3 ans, il rejoint l’école talmudique. La Lettonie appartient encore à l’Empire Russe, qui connait alors une recrudescence de l’antisémitisme. Les pogroms s’y multiplient. Son père prend la décision d’émigrer aux Etats-Unis. Marcus et sa mère le rejoignent en 1912. Il a alors 10 ans.

Mark Rothko à l’âge de 10 ans (en bas à droite), entouré de sa famille

Matisse : la révélation

La légende raconte qu’après de brillantes études à Portland et Yale, Marcus découvre l’art par hasard, en suivant un ami dans un cours de dessin. Dès lors, il parcourt les musées et les ateliers new-yorkais. Il suit des cours de peintures, découvre les avant-gardes européennes. Jusqu’à ce qu’en 1944 se produise la rencontre décisive avec L’Atelier rouge de Matisse. Nouvellement entrée dans les collections du MoMA, la toile fait basculer Rothko dans son expression abstraite la plus classique (Annie Cohen-Solal, Mark Rothko, Actes Sud, 2013).

Il intitulera d’ailleurs l’une de ses toiles « Hommage à Matisse ».

 

Henri Matisse – L’atelier rouge, 1911

 

Mark Rothko – Bande jaune (Yellow Band), 1956

Voyages en Europe

Rothko se rend en Europe en 1950. Le continent de son enfance lui paraît étranger, délabré, moribond. A son retour aux Etats-Unis il déclare : « Nous partons de zéro. Dans un pays neuf. Nous devons oublier les maîtres européens » (Archives of American Art, Smithsonian Institution, 8 décembre 1983).

Pourtant, au cours de la même période, Rothko avouait son admiration pour Fra Angelico. Il utilisait même une technique à base d’œufs, la tempera, qui avait été abandonnée par les peintres au début du XVème siècle (Catalogue de l’exposition Mark Rothko au Musée d’Art moderne de la ville de Paris, 1999).

Toute la carrière de Rothko se situe dans cette tension entre techniques anciennes et découvertes récentes.

Mark Rothko – Sans Titre (Untitled), 1957

Monet : la maturité

Presque provocateur, Rothko déclare en 1953 : « Je préfère Monet à Cézanne. (…) Monet est selon moi le plus grand artiste des deux » (Cité dans Jame E. B. Breslin, Mark Rothko : A biography, The University of Chigago Press, 1993).

Avec plusieurs décennies d’avance sur la critique, Rothko fait de Monet l’un des pères fondateurs de la peinture moderne. Dès lors, comment ne pas lire la Chapelle Rothko de Houston, comme un hommage aux Nymphéas de Monet ?

Mark Rothko meurt en 1970, quelques mois avant l’achèvement de la chapelle. Cette dernière œuvre ne doit-elle pas être lue comme une ultime définition de la modernité selon Rohtko ?

Mark Rothko – Chapelle Rothko, 1971, Houston, Texas

Claude Monet – Les Nymphéas, L’Orangerie, Paris