PATRIMOINE

Assurer les objets précieux

 

Les objets précieux sont peu couverts par les contrats classiques “multirisque habitation”. L’inventaire établi par un commissaire-priseur est le moyen d’y remédier

Christelle LAMY

Présidente Doma Enchères

Vous avez un doute sur la couverture de vos objets précieux ? Vous souhaitez réaliser un inventaire de vos objets précieux ?

Des seuils aux plafonds, attention aux assurances « multirisque habitation ». Les objets précieux y subissent un traitement spécial, souvent en défaveur des assurés.

Comment assurer au mieux les objets précieux ?

Une première étape consiste à les définir. Or il n’existe pas de définition légale des objets précieux, parfois dits « de valeur ». Il convient donc de se référer aux conditions générales de chaque contrat. Néanmoins, nous pouvons retenir qu’il s’agit essentiellement des bijoux, métaux précieux, objets d’art et de collection.

Il conviendra de relever la faible protection des contrats multirisque habitation classiques, d’une part, et les subtilités pratiques et fiscales des assurances spécifiques aux objets précieux, d’autre part. Dans ces circonstances, l’inventaire d’un commissaire-priseur associé à un contrat multirisque habitation classique présente de nombreux avantages.

Faible protection des contrats multirisques habitation classiques

Les contrats multirisque habitation classiques distinguent les objets précieux des autres biens mobiliers. Ils prévoient des plafonds d’indemnisation distincts qui peuvent se présenter ainsi :

Capital biens mobiliers : 10 000 euros
Objets précieux : 1 500 euros

Ces plafonds sont globaux, et non pour chaque bien pris individuellement.
L’absence de définition légale des objets précieux permet aux assureurs de fixer librement des seuils. Classiquement on peut lire :
Sont considérés comme objets précieux les biens ci-après énumérés dont la valeur vénale est supérieure à 2000 euros : tableaux, peintures, gravures, estampes, lithographies, dessins, sculptures, armes, photographies, livres, manuscrits, objets de verrerie, céramiques, tapis, tapisseries, horloges, montres.

Cela signifie qu’un tableau d’une valeur de 3000 euros serait considérée comme un objet précieux mais indemnisé seulement à hauteur du capital objets précieux, soit dans notre exemple 1 500 euros. En revanche, un tableau d’une valeur de 1 400 euros serait considéré comme un bien mobilier classique et sera indemnisé dans la limite du capital mobilier, soit ici 10 000 euros.

Ce jeu de seuils et de plafonds conduit à ce que les objets de faible valeur soient relativement mieux protégés que les objets précieux.

Précisons également qu’en cas de sinistre, c’est à l’assuré qu’il appartient d’apporter la preuve de l’existence et de la valeur des biens endommagés.
Afin de pallier ces difficultés, il existe des contrats spécifiques aux objets précieux. Ceux-ci présentent des subtilités pratiques et fiscales à relever.

Subtilités pratiques et fiscales des assurances objets précieux

Il existe deux types de contrats spécifiquement conçus pour assurer les objets précieux : les contrats en valeur déclarée, et les contrats en valeur agréée. Chacun présente des subtilités propres.

Dans les contrats en valeur déclarée, l’assuré établit la liste et la valeur des biens à assurer, sans intervention de l’assureur. La somme globale agit comme un plafond : en cas de sinistre, l’assuré ne pourra recevoir une indemnité supérieure à la valeur globale des objets mentionnés.

Toute la difficulté repose sur la détermination de cette valeur globale.
* En cas de surévaluation, l’assuré paiera une prime supérieure à ce qu’il aurait dû payer, en pure perte : en cas de sinistre, l’assureur tiendra compte des prix du marché et non des évaluations contenues dans le contrat.
* En cas de sous-évaluation, l’assureur pourra appliquer la « règle proportionnelle de capitaux » [1], qui fait peser sur l’assuré une part proportionnelle du dommage.
Ces contrats permettent donc une bonne protection des objets précieux, pour autant qu’ils aient été évalués avec finesse. L’intervention d’un commissaire-priseur peut ici s’avérer nécessaire.
Néanmoins, comme pour les contrats multirisque habitation classiques, la charge de la preuve repose entièrement sur l’assuré en cas de sinistre.
Les contrats en valeur agréé permettent de renverser cette charge de la preuve.

Les contrats en valeur agréé reposent sur l’accord de l’assureur et de l’assuré quant à la liste des objets précieux assurés et leurs estimations, sur la base d’un inventaire établi par un commissaire-priseur. En cas de sinistre, l’assuré est dispensé d’apporter la preuve de l’existence et de la valeur des biens, et sera indemnisé sur la base des estimations figurant au contrat.
Ces contrats en valeur déclarée ou agréé sont donc les plus protecteurs, mais entraînent des conséquences fiscales non négligeables dans le cadre de la déclaration d’une succession. D’un part, les objets précieux mentionnés au contrat ne pourront plus être intégrés au forfait mobilier [2]. D’autre part, le contrat d’assurance devra être déclaré à l’Administration fiscale, par les héritiers et les légataires [3], mais également par les compagnies d’assurance [4].
Dans ces circonstances, la solution médiane la plus adaptée est souvent celle d’un contrat multirisques

Les atouts d’un contrat multirisques habitation classique associé à l’inventaire d’un commissaire-priseur

Le contrat multirisque habitation classique présente plusieurs avantages : il n’a pas à être aussi précis que les contrats en valeur déclarée ou agréé, et il n’a pas à être déclaré à l’Administration fiscale.
L’inventaire du commissaire-priseur présente également plusieurs atouts :
* il permet d’adapter au mieux le contrat multirisque habitation en négociant éventuellement un rehaussement du plafond « capital objets précieux », sans que les objets précieux ne soient explicitement distingués des autres biens.
* il fournit la preuve de l’existence et de la valeur des biens en cas de sinistre, et doit être conservé précieusement.
* Mais comme il n’est pas annexé au contrat d’assurance, celui-ci n’a pas à être déclaré à l’Administration fiscale dans le cadre d’une succession.

Il est à noter que l’inventaire établi par le commissaire-priseur doit être réévalué tous les 3 à 5 ans, afin de tenir compte des variations du marché.

Nous avons donc montré que les objets précieux sont souvent peu assurés dans le cadre de contrats multirisque habitation classiques. Une première solution consisterait à souscrire des contrats spécifiques. Mais ceux-ci présentent des subtilités pratiques et fiscales parfois difficiles à arbitrer.

La solution la plus adaptée, dans la grande majorité des cas, est celle d’un contrat multirisque habitation classique, associé à l’inventaire d’un commissaire-priseur.

Vous avez un doute sur la couverture de vos objets précieux ?

Vous souhaitez réaliser un inventaire de vos objets précieux ?

[1] Article L121-5 du Code des assurances : « S’il résulte des estimations que la valeur de la chose assurée excède au jour du sinistre la somme garantie, l’assuré est considéré comme restant son propre assureur pour l’excédent, et supporte, en conséquence, une part proportionnelle du dommage, sauf convention contraire ». Le calcul est le suivant : Montant des dommages x (Valeur assurée / Valeur réelle) = Montant de l’indemnisation.

[2] Nous avions abordé cette question dans notre précédent article « Echapper au forfait mobilier »

[3] Article 798 du Code général des impôts
Voir également https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/1389-PGP.html/identifiant%3DBOI-ENR-DMTG-10-40-10-20-20160530 III 160 (consulté le 8 mars 2022)

[4] Article 805 du Code général des impôts
Voir également https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/3547-PGP.html/identifiant%3DBOI-ENR-DMTG-10-70-10-20120912 III A 110-120 (consulté le 8 mars 2022)